Docs du mois - novembre 2024 - L'imagerie populaire /
L’imagerie populaire
Passée dans le langage courant au milieu du XXe siècle, l’expression « image d’Epinal » renvoie à un stéréotype plutôt naïf et idéalisé. Elle prend son origine dans les Vosges, à Epinal, où une concentration d’imprimeurs de cartes à jouer et de dominoterie se disputent au fil des décennies le marché des images populaires distribuées par les colporteurs et les libraires.
La plus connue de ces imprimeries est l’imprimerie Pellerin. Installée dès 1735 à Epinal, elle est baptisée de son célèbre nom en 1796 par Jean-Charles Pellerin, lequel reçoit un brevet d’imprimeur lui permettant de produire d’autres documents que des cartes à jouer, par exemple des images, à partir de 1800. Les images produites se distinguent en plusieurs thèmes, notamment religieux, profanes, moraux, historiques. Mais aussi en plusieurs formats, dont des cadrans d’horloge ou encore des tours de cheminée. Le premier catalogue d’images destinées aux enfants date de 1842 et propose des leçons de morale et de bonne conduite, des instructions pédagogiques et quelques images récréatives. En 1850, l’imprimerie Pellerin embauche Charles Pinot, qui en devient l’illustrateur officiel. Sa formation à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris puis dans l’atelier de Paul Delaroche lui permet de donner ses lettres de noblesse artistiques à ces petites images populaires.
L’illustrateur fondera sa propre imprimerie - nommée Nouvelle Imagerie d’Epinal - en 1860, avec la volonté de faire de l’imagerie un outil d’élévation de l’esprit à destination des enfants et du peuple. Se livre alors une féroce concurrence avec son ancien employeur. A titre d’exemple, quand l’Imagerie d’Epinal est « le fournisseur breveté de Sa Majesté l’Impératrice », la Nouvelle Imagerie d’Epinal est « le fournisseur breveté de Sa Majesté l’Empereur ». Après plusieurs escarmouches, la Nouvelle Imagerie d’Epinal est reprise par l’Imagerie d’Epinal en 1888.
Ce bref résumé ne reflète qu’une infime partie de la guerre des imprimeurs d’images populaires à Epinal. Ces histoires sont toutes plus croustillantes les unes que les autres, mais je laisserai le soin au lecteur de naviguer dans la bibliographie pour en apprendre davantage.
Ces charmantes images sont mises en vente dans les librairies ou par colportage et servent souvent de décoration dans les intérieurs modestes. Leur faible coût permet aux familles de renouveler les sujets à l’envie ou dès détérioration. Par la suite, elles sont porteuses de réclames et font l’objet de collections comme leurs cousines les chromos. Les entreprises utilisent les images populaires pour faire leur publicité, faisant d’une pierre deux coups : instruisant ou divertissant les enfants et interpellant la ménagère. Parfois même, certaines marques reproduisent les codes des historiettes pour placer directement leur produit.
Quelle que soit l'imprimerie de laquelle elle est issue, l'image populaire est le reflet de son temps et de ses usages.
Images d'Epinal.- Affiche, XXe siècle.- A17b072
Bibliographie
- GEORGE, Henri, La belle histoire des images d'Epinal, Paris : Le Cherche Midi, 1996.
- MARTIN, Denis, HUIN, Bernard, Images d'Epinal : exposition, Paris : Réunion des Musées Nationaux, 1997.
- MISTEL, Jean, BLAUDEZ, François, JACQUEMIN, André, Epinal et l'imagerie populaire, Paris : Hachette, 1961.
- PERROUT, René, Trésors des images d'Epinal, Barembach : J.-P. Gyss, 1985.
- PONTI, Claude, Historique de l'Imagerie Pellerin, Epinal : Images d'Epinal, 1984.
- ROCHETTE, Christelle, HEIM, Jennifer, Le trésor d'Epinal, imagerie populaire, Le trésor d'Epinal : imagerie populaire, Paris : Gallimard, 2022.