Un grand prix automobile à Roubaix /

Comment ? Des voitures de courses à Roubaix ? Et au parc de Barbieux en plus ! Il en aura vu de toutes les couleurs ce pauvre parc, depuis 1911 et 1939 ! C’est en effet en 1950 que l’Automobile Club du Nord de la France, dont le siège est à Roubaix, décide de fêter le cinquantenaire de sa création, en organisant un grand prix. La compétition automobile de l’après Seconde Guerre mondiale reprend doucement et commence à se structurer. On court depuis longtemps sur des circuits, pour des raisons de sécurité, et notamment des circuits urbains dont le premier fut celui du Mans. Le Grand Prix automobile de Roubaix entre dans cette catégorie, alors que la même année, la création du championnat du monde de formule 1 est décidée, le premier grand prix aura lieu à Silverstone, en Angleterre.

Mais revenons à Roubaix. Dès la mi-avril, on habille les rues alentour du parc de Barbieux en circuit de compétition automobile. Ballots de paille, barrières de protections, passerelles au-dessus de l’avenue Lenôtre, montage de tribunes forment le décor de la future compétition. L’organisation d’un grand prix n’est pas une mince affaire : déjà, la ville de Roubaix investit vingt millions de francs pour remettre en état les 900 mètres de la ligne droite du circuit (l’avenue Jean Jaurès). Car le circuit entoure le parc de Barbieux : la ligne de départ se situe à l’entrée de l’avenue Lenôtre, au bout de laquelle les concurrents empruntent un premier virage vers le fer à cheval, où un second virage les amène dans l’avenue Jean Jaurès, puis avenue Jussieu et avenue Lenôtre.

L’Automobile Club du Nord de la France se charge de l’organisation : Marcel Leclercq Président, Marcel Dehédin, Paul Desruelles, chevilles ouvrières, avec “toute une phalange de techniciens”. Le circuit est entouré d’une haute palissade de bois, tribunes et gradins peuvent accueillir quinze mille personnes. Il y a deux grandes tribunes pour le public, une tribune officielle et une tribune de presse, un stand de ravitaillement et un quartier des coureurs. On a prévu la sonorisation d’un bout à l’autre de l’immense enceinte. Un peu partout, les spectateurs pourront disposer de buffets et de buvettes, et même d’un restaurant, de chalets de nécessité. Pour la sécurité, des tonnes de bottes de paille ! Deux passerelles enjambent l’avenue Lenôtre, et huit kilomètres de barrières empêchent les spectateurs d’approcher.

Le programme propose deux courses de motos organisées par le Moto-Club du Nord (6.000 membres) : une première course pour les 350 cm3 longue de 125 kms : quinze partants ; une seconde course pour les 500 cm3 longue de 140 kms : seize partants. On court sur Norton, Vélocette, AJS, Motorcense, Guzzi, Triumph. Une attraction, les boîtes à savon, petites voitures fabriquées par leurs conducteurs, dont le prix ne peut excéder 8.000 francs. Ce sont des voitures de Derby, pilotées par des moins de 15 ans. Une finale de championnat a lieu en juin à La Madeleine, et le titre national va se jouer à Paris. A Roubaix, ce sera juste une exhibition, les petits engins non motorisés seront tirés par des voitures.

Puis ce sera le Grand Prix automobile sur le Circuit du Parc de Barbieux : quatorze partants vont parcourir 300 kilomètres, soit une centaine de tours. Les pilotes engagés sont Raymond Sommer et Giovanni Bracco, sur Ferrari, Robert Manzon, Maurice Trintignant, Aldo Gordini, André Simon, tous sur Simca Gordini, Alfredo Pian sur Maserati, Marcel Balsa sur BMW, René Bonnet sur Deutsch Bonnet, Georges Abecassis, John Octave Claes et John Heath sur HWM (Hersham and Walton motors) et un amateur, Fourry, sur Servat spéciale.

Les voitures sont logées par écurie dans divers garages de la ville : les Simca Gordini au garage Champier rue de Tourcoing, les Ferrari au garage Peugeot rue du Maréchal Foch, les argentins chez Renault, les anglais chez Citroën, et le coureur Balsa chez BMW au Modern Garage rue de l’Alouette. Ces bolides sont arrivés par camions. Le pesage, le contrôle et la vérification des machines a lieu le samedi de 14 h à 17 salle Watremez, rue de l’Hospice. On sait ce que gagneront les vainqueurs. Pour le 1er : 300.000 francs, le 2e 150.000 francs, le 3e 100.000 francs, le 4e 80.000 francs, le 5e 50.000 francs. Pour le record du tour : 30.000 francs. Pour les mécaniciens, le 1er : 15.000 francs, le 2e 10.000 francs, le 3e 5.000 francs. La coupe Edmond Lefebvre sera attribuée au vainqueur de l’épreuve. La coupe Hector Franchomme au record du tour.

Pour accéder aux places, pour les pelouses, il y a deux entrées : avenue Gustave Delory et passage Loridan. La place est à 400 francs. Pour les gradins Edmond Lefebvre, l’entrée se situe rue Bossuet et la place est à 700 francs. Pour les gradins Franchomme, l’entrée est avenue Lacépède, la place est à 900 francs. On accède à la tribune Nadaud et à la tribune officielle par le boulevard de Paris.

Le départ est donné : Balsa accroche un autre concurrent, puis un peu plus tard, Heath est en panne au Fer à Cheval, Fourry l’amateur aussi, les deux abandonnent. Sommer mène devant Manzon et Trintignant, puis Bracco, et Simon. L’argentin Pian abandonne sur problème mécanique.

Au 20e tour, Bracco et Simon abandonnent à leur tour. Plusieurs arrêts au stand pour Trintignant, alors troisième. Sommer est loin devant Manzon, et on lutte pour la troisième place : Abécassis, Trintignant, Balsa et Bonnet. Trintignant abandonne, puis Balsa, la troisième place se joue entre Abécassis et Bonnet. Trois tours avant la fin, Abécassis qui était devant Bonnet, abandonne. Raymond Sommer est le grand vainqueur de l’épreuve devant Robert Manzon et René Bonnet.

Il y aura encore un grand prix automobile à Roubaix en 1952, le 14 septembre, qui sera remporté par Maurice Trintignant sur Gordini. Le dernier grand prix automobile de Roubaix aura lieu le 20 juin 1953 et sera remporté par René Bonnet sur Deutsch et Bonnet. Question de budget…

Formula E, la course de Formule 1 électrique, s’installe à Paris le samedi 23 avril 2016 pour une course mémorable, autour de l’Esplanade des Invalides ! Une première exceptionnelle pour Paris. Et pourquoi pas à Roubaix, où le circuit du parc de Barbieux existe toujours ?

Philippe Waret, le 15 juin 2016.

Plan du circuit

Illustration Nord Eclair.

Affiche du Grand Prix

Collection particulière.

La foule et les voitures

Photographie Nord Eclair.

Le vainqueur Sommer sur Ferrari

Photographie Nord Eclair.